Les présents du passé, une nouvelle de SF
- L.M. Rapp

- il y a 1 jour
- 3 min de lecture

C’est clair, je n’aime pas écrire des essais. Ni les lire, d’ailleurs… Ils me rappellent mes dissertations d’école — introduction, thèse, antithèse. Rien ne m’ennuie plus que de devoir argumenter, démontrer, convaincre. Alors, pourquoi m’y forcer, me demanderez-vous ? Et vous auriez raison. À partir de maintenant : des histoires, rien que des histoires. Jusqu’à mon prochain changement d’humeur…
J’aime l’incertitude — ou plutôt, je m’efforce de l’amadouer. Cette hésitation avant de taper le premier mot sur le clavier, sans savoir où le récit nous mènera… Je mets donc de côté ma routine — fiction une semaine, billet la suivante — pour partager un texte écrit pour l’atelier Contreforme, avec pour seule contrainte : cinq cents mots. Une pratique a priori bien innocente…
Mais trêve de bavardages. Je vous laisse accompagner le professeur Abouhab dans son expédition temporelle.
Et que personne ne se perde en chemin…
Les présents du passé, une courte nouvelle de SF
Comme prévu, le professeur David Abouhab consacrerait la fin de la journée à la recherche de spécimens en bord de mer. Il inspira et se délecta de cet air du mésozoïque aux saveurs pures et amples. L'appréhension du début avait laissé place à un émerveillement si limpide qu’il en devenait douloureux. Il se félicita une fois de plus de sa bonne fortune. Ses connaissances en botanique, couplées à sa forme d’athlète, avaient fait de lui le candidat idéal à ces premières explorations. Cette terre primaire, généreuse et saine abondait en trésors que l’humanité saurait, David l’espérait sans trop y croire, non pas piller, mais étudier et préserver.
Une quantité de créatures étranges folâtraient, à peine perturbées par sa présence, au milieu d’une végétation touffue. Elles n’avaient jamais rencontré d’êtres humains et ne se doutaient pas de leur cruauté. Quant aux prédateurs, ces dinosaures massifs si fameux dans la culture populaire, il s’en inquiétait peu et avait appris à s’en remettre à la combinaison protectrice et surtout au bracelet d’urgence autour de son poignet. Grâce aux avancées en matière de reconnaissance d’empreinte, une simple pression à travers le tissu de son gant suffisait pour le ramener à la base.
Il pataugeait dans l’eau et venait d’apercevoir une algue intéressante lorsqu’une intuition le fit se redresser. Au moment où il se jetait en arrière, une masse énorme passa devant lui et le bouscula. Il lui fallut quelques instants pour se rendre compte que la bête avait arraché, en même temps que les algues, sa main et le bracelet d’urgence. Il observa le moignon et s’étonna de son calme et de l'absence de douleur. L’animal, un spinosaurus qui, emporté par son élan, s’était éloigné, revint à la charge. Le professeur hurla. Ses cris s’accentuèrent lorsque les énormes mâchoires se refermèrent sur lui, suivis du plus grand des silences.
L’immersion s’acheva et un faisceau de lumière éclaira l’orateur :
« Mes nombreuses conversations avec David, ainsi que l’étude de la boîte noire et de la dépouille – enfin, de ce qu’il en restait – nous ont permis de reconstituer les événements. Certains ont émis l’hypothèse que le professeur Abouhab aurait actionné le retour d’urgence alors qu’il se trouvait dans la gueule de l’animal et serait donc responsable du carnage. Je m’insurge contre ces médisances. Nous devrions plutôt imputer cette tragédie à la fatalité. Car c’est par pur hasard que les mouvements péristaltiques de l’estomac ont mis en contact le bouton d’urgence et l’index de la main droite. Et pure malchance que le contact s’est prolongé trop longtemps, assez pour déclencher la téléportation du spinosaurus dans notre présent. La réhabilitation du professeur me semble cruciale, tant pour sa mémoire, que pour sa famille, et pour l’avenir de la recherche temporelle. Ne laissons pas notre chagrin perturber notre raison. Le professeur Abouhab a servi la science jusque dans sa mort. Qu’il repose en paix. »
L’orateur garda un instant le silence, puis reprit son allocution :
« Après cette introduction nécessaire, j’aimerais passer à l’évaluation des nouveaux protocoles et méthodes de protection. »
À bientôt,
L. M. Rapp
Si vous avez aimé ce texte, découvrez mon roman De chair et de larmes.





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