top of page

Cacao — Une fantaisie née d’un jeu d’écriture


Tasse en porcelaine ancienne remplie de chocolat chaud, posée sur un fond vert uni.
Quand le hasard devient récit

Les contraintes, loin de brider l’imagination, la stimulent. Dans l’atelier d’écriture que j’anime, les participantes préfèrent souvent qu’on leur impose un thème plutôt que de le choisir elles-mêmes. Une idée en amène une autre et, même avec des thèmes très simples (le supermarché, la dispute, le concours…), naissent des récits originaux, tous différents.

Aujourd’hui, je vous propose une nouvelle écrite dans le cadre du club Contreforme. Aux contraintes habituelles — longueur (500 mots) et délai (deux jours) — j’en ai ajouté une autre : tirer au hasard dix mots et les intégrer tous au récit.

Les heureux élus : tuer, fouilles, minou, menace, circuit, poignard, cacao, soupe, pins, auberge.

Le résultat ? Un texte bref et un peu étrange. 

Voici donc Cacao.

Envie d’un petit défi ? Tentez de repérer ces dix mots dans le texte… ou lisez simplement et laissez-vous porter par l’histoire.


Cacao

Nauséeux, les jambes faibles, je vacillais dans l’escalier, me retins de justesse à la rampe et, après avoir recouvré mon équilibre, poursuivis ma descente à tâtons. La servante, déjà levée à cette heure matinale, balayait le sol de la salle commune. Elle me pria d’attendre, se précipita vers la cuisine et en revint avec du pain et un morceau de fromage qu’elle fourra dans ma besace. J’allais la quitter lorsque je remarquai, à la lumière de la bougie, une larme qui brillait sur sa joue. La langue et l’esprit engourdis par les libations de la veille je balbutiais : « Un chagrin vous trouble… Dites-moi tout, joli minou… euh, minois… » Elle secoua la tête, me sourit avec tristesse et recula pour se réfugier dans l’ombre. J’envisageais de la questionner plus avant ou de prononcer quelques mots de réconfort, mais mon estomac se vrilla et je me précipitai hors de l’auberge. L’air vivifiant allégea mon malaise et je parvins, tant bien que mal, à monter sur mon fidèle Cacao. Au lever du soleil, un corbeau, perché sur un pin, prit son essor. Des aiguilles secouées glissèrent quelques gouttes de rosée qui s’écrasèrent sur ma nuque. Mes cris et mes menaces n’y changèrent rien, le corbeau, dans un circuit obstiné et monotone, s’entêta à tourner au-dessus de nos têtes. Désirait-il nous éloigner de son nid ou nous prévenir d’un danger imminent ? Les croassements de ce volatile abruti par l’isolement ou ivre de l’alcool de fruits trop mûrs nous poursuivirent longtemps. Lorsqu’il nous abandonna enfin, un silence ouaté nous enveloppa de sa gangue souple et pénétrante et me plongea dans une agréable indolence. Puis une pensée me saisit. Qu’avais-je raconté la veille à mes compagnons d’ébriété ? Je vérifiai que la carte, découverte par hasard derrière le portrait de mon arrière-grand-oncle, par une nuit de libations solitaires, dormait toujours dans la poche secrète de ma veste. Avant la fin du jour, j’arrivai à ma destination, une ferme délabrée utilisée comme gîte par les voyageurs égarés. Je mangeais, au coin du feu allumé juste pour moi, une soupe épaissie de pain dur. Pour l’égayer, mon hôte, un homme petit et râblé, me servit une liqueur étrange. J’en refusai un autre verre et me retirai sans tarder dans la chambre. Au matin, j’entreprendrais mes fouilles et saurais bientôt si cette carte renfermait l’emplacement d’un trésor ou les divagations d’un ancêtre trop crédule. J’éteignis la bougie et me couchai sur le matelas infesté de vermine. Les heures s’étiraient dans un inconfort irritant. Je décidai de me lever — j’espérais trouver dans la cuisine un peu de cette liqueur abrasive et parfumée — lorsque j’entendis un bruit furtif. Par la fenêtre, je vis un homme qui s’approchait de la ferme. Il tenait un long poignard. Au grincement de charnières mal huilées, je compris que l’aubergiste lui avait donné rendez-vous. Ils avaient prévu de me tuer pour un bout de parchemin ridicule. Cette carte ne m’apporterait que des ampoules aux mains et une nouvelle déception. Je m’apprêtais à m’enfuir pour rejoindre mon fidèle Cacao, lorsque l’envie incongrue de cette boisson amère me fit penser à mon pochetron de père qui m’attendait à la maison. Oh, combien jouirait-il de mon retour honteux ! Mais la lune éclairait la pièce d’une douce lumière bleutée. Un vent leste et hardi semblait chanter pour moi. Je ne pouvais renoncer à mon rêve, aussi farfelu qu’il paraisse. Je dégainai mon épée et attendis.


Jeu d’écriture

Et si vous tentiez l’expérience ?

Votre défi : rédiger un court texte (500 mots maximum) en intégrant ces cinq mots : boussole – grenier – théière – velours – accident N’en omettez aucun !

Publiez votre histoire en commentaire ou envoyez-la-moi par mail — je me réjouis de vous lire.


À bientôt,

Laurence M. Rapp

Commentaires


Psychological horror Psychological horror book Psychological book Psychological thriller Psychological fiction Thriller best

Laurence M. Rapp a grandi à Toulouse avant d’étudier à l’Université Paul Sabatier et a exercé comme dentiste pendant plusieurs années.  

 

En 2022, elle a publié son premier roman, Une effroyable beauté, un roman initiatique de fantasy, en 2023, De chair et de larmes, un suspense psychologique difficile à classer qui raconte le combat d’une femme dont la fragile santé mentale est mise à rude épreuve par l’agression des hommes et des bêtes.  

 

Elle réside actuellement en Israël avec son mari et ses trois filles et se consacre à l’écriture.

+972-545300546       laurence@lmrap.com

  • White Facebook Icon
  • White Instagram Icon
bottom of page