Souvenirs de Tokyo
Elle l’avait achetée dans un grand magasin de Tokyo, à un artisan perdu au beau milieu de l’étage consacré aux arts ménagers. Les quelques mots qu’ils avaient échangés, par l’intermédiaire d’une interprète, avaient allégé, pour quelques instants, le sentiment de solitude dans lequel elle vivait. Avec une régularité minutieuse, le vieil homme frappait une pointe de son marteau. À chaque coup, il perçait, sur la plaque métallique, un trou aux bords déchiquetés et tranchants qui s’ajoutait aux autres dans un motif harmonieux. Plusieurs années plus tard, elle utilisait encore cette râpe à gingembre impossible à nettoyer : des filaments ligneux y restaient toujours accrochés. Jetés sur la surface rigide par une volonté étrangère, les trous minuscules croyaient œuvrer ensemble dans un but commun, mais si l’un d’entre eux finissait par se boucher, les autres continueraient leur tâche sans même s’apercevoir de la différence.
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